Mélancolie

Ce récit est écrit par Aléas, à la fin de sa vie, probablement autour des années 1385 TA, soit près de 30 ans après l'époque actuelle (1355 TA).

Quand l'âge ne lui permit plus de vagabonder sur la Terre du Milieu, comme il le fit toute sa vie, il s'adonna à la peinture.

Ses toiles sont principalement des "illustrations" de divers récits, contes et chants qu'il composa autrefois.

La "Mélancolie" concerne tout à la fois ce vieil homme, au crépuscule de son existence, et les elfes qui aspirent à retrouver leurs terres natales et ceux qui leur sont chers.

On raconte qu'Aléas fit un dernier et long voyage jusqu'à Ceven Galad pour s'y éteindre, aux côtés des elfes, en 1398 TA.

Après sa mort, on perd la trace de ceux qu'il appelait les "Amants Eternels" et nul ne sait, parmi les hommes, ce qu'il advint d'eux.

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Je me souviens de ce jour, il y a déjà bien longtemps dans ma vie d'homme.

C'était à l'orée de la nuit et je m'étais installé, non loin du feu, pour dormir paisiblement.

Mes amis elfes, contrairement à moi, vivaient avec la nuit et au cœur de la nuit.

Quand apparaissent les premières étoiles dans le firmament, ils retrouvent la lumière d'antan qui n'a jamais quitté leur regard.


Oh ! Combien donnerais-je pour contempler, ne serait-ce qu'une fois, un ciel étoilé avec un regard d'elfe !

Quand vient l'ombre, mes yeux d'homme sont aveugles et je ne sais pas la féérie des luminescence nocturnes, j'ignore tout des pâles scintillements des astres lointains.


 Le sommeil était sur le point de m'emporter quand le doux murmures des voix immortelles, à peine discernables au cœur des chuchotements nocturnes, portées par le vent et, sans doute, amplifiées par quelque singulière propriété acoustique de l'immense abri rocheux qui me surplombait, éveillèrent mon attention.

Je prêtai l'oreille. Oh ! Par Eru ! Que j'aime cette langue à nulle autre semblable, qui, par ses seuls accents, fait naitre poésie et beauté.

A nul moment ne me vint l'idée que ces propos entendus ne m'étaient pas destinés. Ces voix me berçaient et une étrange mélancolie, qui hantait leurs murmures, me fascinait et, pour ainsi dire, m'obligeait à écouter pour en déterminer l'origine.

Aujourd'hui, au crépuscule de ma vie, je suis habité par des sentiments contradictoires. D'un côté, je me sens coupable d'avoir envahi, sans le vouloir, l'intimité de mes amis. Mais d'un autre côté, je suis immensément heureux d'avoir été témoin de leur tendresse, de leurs rêves, de leurs confidences.

Je n'avais nul besoin de cela pour les apprécier à leur juste valeur, et rien de ce qu'ils dirent, cette nuit-là, ne me choqua ou ne me surprit.

Oui, à n'en pas douter, c'étaient bien eux, les Amants Eternels, les Gardiens. Mais derrière ces mots se cachaient une infinie tendresse, une humilité et des chemins mystérieux qui naissaient aux origines des âges jusque vers un futur immensément lointain.


Je me sentais comme un point minuscule, perdu entre deux infinis, ignorant tout des origines et condamné à ne jamais connaitre un avenir dont j'étais exclu.

Mais étrangement, par le lien qui m'unissait à eux, par eux et à travers eux, il m'était donné de voir ce qui n'appartenait pas à ceux de ma race.


La fin approche, mais je suis en paix. Je puise à l'encre de mes souvenirs pour écrire le récit de cette nuit d'autrefois. Les mots naissent d'eux-mêmes, sans effort, j'ai l'impression que c'était hier.

Je confierai ce récit à Elwin, je le lui avais promis. Elle m'a demandé pourquoi cette toile intitulée "Mélancolie" et je n'ai pas eu le cœur de lui mentir.

S'il y a bien, en ce monde, quelqu'un qui aime autant que moi ces deux elfes, c'est bien elle et son frère Ardel.


Elle sera sans doute surprise de constater que, dans ce tableau, les Amant Eternels sont absents.

Mais elle comprendra. Elle sait, elle aussi, que même s'ils semblent invisibles à nos yeux humains, quelque part, tapis dans les frondaisons, noyés d'ombre et de lumière, ils veillent sur les immenses forêts, au cœur d'Arda.

J'aurais tant aimé, une dernière fois, écouter les doux murmures de leurs voix, dans l'ombre du soir, quand naissent les parfums de la nuit...

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Très beau !