De l'alliance matrimoniale pour régler les conflits ...

— « Il faudra bien pourtant en venir à une alliance entre le gouverneur et la fille du bourgmestre si nous voulons éviter un massacre par les hommes des Collines ! » Le Rôdeur tonnait. « Et ces assassins, répartis dans le ville, vont en profiter pour aggraver le massacre ! »
— « Dans cette perspective, il y a bien une solution … » avança l’Eothrem. « Non une simple alliance d'occasion, mais bien une alliance matrimoniale ». Arlan bondit. L’écheveau de son histoire familiale remontait pourtant à l'esprit d'Eodrec comme une bouffée de souvenirs douloureux : l’histoire de son arrière-grand-mère, Ælfled, plus d’un siècle plus tôt.

Une belle femme d’après ce que lui avait conté son grand-père, et qui avait fait tourner bien des cœurs … d’autant qu’elle était unique héritière d’une famille de vieille noblesse gondorienne issue des Dunedain, les Altaliedur. Bien entendu un prétendant avait ses faveurs, le cadet de la maison des Archaniens. Mais les deux familles étaient rivales, violemment, depuis trois siècles, pillant à tour de rôle les terres de l’autre. À dire vrai, le poids de la vendetta pesait plus sur les serfs et hommes libres des uns et des autres que sur leurs aristocratiques rejetons. L’extinction des Altaliedur en cette unique jeune femme offrait enfin une occasion inespérée de mettre un terme à cette rivalité … Il fallait unir les deux familles, mais l’union avec le cadet des Archaniens ne résolvait rien : à la génération suivante, la guerre aurait repris, cette fois entre cousins. L’aîné des Archaniens était l’opposé de son cadet : violent quand le second était posé, obstiné quand le second savait plier, plein de morgue quand le second était sage. Ælfled aurait pu choisir le second comme époux, son cœur l’y poussait, et demeurée sans parents, nul ne s’y serait opposé. Mais elle se rappela que les Altaliedur était des « serviteurs du grand peuple », et la veille de ses noces avec l’aîné, le cadet disparu dans les lointaines marches du Gondor. Eodrec ne doutait pas un seul instant que l’histoire se répétant peu ou prou aujourd’hui, pour sauver le peuple de la ville, la fille du bourgmestre suivrait sans le savoir le même chemin que son aïeule, qui avait sauvé par son sacrifice le peuple sous sa protection. Et cette attitude le Rôdeur pourrait la comprendre.

Eodrec n’ignorait hélas pas non plus qu’elle sacrifierait ainsi peut-être plus qu’elle ne pouvait imaginer. Son grand-père à lui, Elendec, né un peu trop tôt après les noces, avait toujours honnis ce père qui voyait en lui autre chose qu’un fils. D’où sa décision de s’éloigner de cette ambiance étouffante en suivant Valacar en Rhovanion en 1250.