Le convoi, ou du moins ce qu'il en restait, approchait péniblement de Tharbad.
Les Tisseurs étaient fort mal en point. La fatigue, inhérente à ce genre de trajet, avait fait son œuvre, mais, par-dessus tout, la Communauté accusait le coup après ces nombreuses et violentes escarmouches qu'elle avait subies.
L'état du chariot, qui avait été endommagé par de multiples avaries, et qui ne ressemblait plus guère à l'engin qui avait quitté Teidmor quelques jours auparavant, en disait long sur ce qu'avaient vécu les membres du convoi.
Les Tisseurs, harassés, blessés, progressaient à pas pensant. Le plus grave, c'étaient tous ces jeunes soldats du guet qui avaient trouvé la mort dans les multiples combats, notamment pendant la
Bataille des Collines (ce n'était pas des marais ^^ Voilà c'est corrigé ) qui fut particulièrement violente et meurtrière. On pouvait lire sur le visage des quelques rescapés, toute la souffrance endurée et aussi toute l'horreur à laquelle ils avaient été confrontés. Ils ne seraient désormais plus jamais les mêmes et ils seraient sans doute incapables de jamais traduire ce qu'ils avaient vécu.
D'aucuns auraient pu penser, qu'en arrivant à Tharbad, les Tisseurs allaient enfin pouvoir trouver une certaine sécurité.
Certes, ils ne risquaient plus d'être attaqués par des orques, des loups montés ou autre créatures malfaisantes de ce type. Mais ils s'avançaient, à présent, vers des dangers d'une autre nature, plus insidieux, plus perfides, plus traitres. Ce n'étaient plus des orques qu'ils avaient désormais à craindre mais un poignard qui surgit de l'ombre pour vous frapper dans le dos. Ou alors des complots, des manigances qui ne menaçaient pas directement leur vie, mais un équilibre dont le plus grand nombre serait victime.
En réalité, ils allaient de Charybde en Scylla. Et l'arrivée à Tharbad, le "nid de guêpes", était tout sauf un séjour dans un havre de paix.
Les Tisseurs avaient dû user de ruses pour tenter de masquer leur identité, chacun y allant de sa propre tactique.
Ils espéraient ainsi pouvoir agir avec une certaine marge de manœuvre.
Mais combien de temps avant qu'ils ne finissent par être démasqués ?
Mais combien de temps avant d'être confrontés à de nouveaux dangers, à de nouveaux enjeux qui dépassaient, et de loin, leur propre sécurité individuelle ?
Le crépuscule tombait sur la ville, embrasant les toits du feu des couleurs rougeoyantes du coucher.
Déjà le brouhaha de la ville leur parvenait, ainsi que les effluves diverses et variées des activités humaines.
Certains, parmi les Tisseurs, ne purent s'empêcher de jeter un regard en arrière, là-bas, vers les lointaines collines qui se noyaient dans l'ombre de la nuit qui tombait.
Certes, ils avançaient vers des dangers inconnus mais ils avaient souvenance d'amis qui couraient, quelque part, au loin, noyés dans les ombres, sous la clarté des étoiles.
Un long frisson les saisit, au-delà de l'absence et du silence, leur présence étaient presque palpable, comme un chant paisible qui rassure l'enfant devant ses terreurs nocturnes.
Alors leur fardeau se fit un peu moins lourd, leurs craintes un peu moins accablantes et parfois, sur un visage, naissait un fugitif et discret sourire, comme une étincelle d'espérance nichée au cœur de la nuit.