Sujet: "SarVanda", la Pierre du Serment [MUSIQUE] Mer 8 Juin 2011 - 21:32
Quand son chant prit fin, l'elfe se redressa lentement, le regard fixé sur un improbable horizon car la neige tombait abondamment.
Il laissa ses compagnons encore sous l'effet du chant et de leur tristesse et s'éloigna dans le brouillard blanc.
Bien que personne ne l'ait remarqué les flocons tourbillonnaient autour de lui mais pas un ne s'accrochait dans sa chevelure ou ses vêtements.
Il voulait demeurer solitaire car quelque chose était à l'œuvre en lui. Quelque chose qui sommeillait depuis longtemps mais qui, en cet instant, était sur le point de s'éveiller.
Il marcha longtemps. Le silence parfait, absolu, qui régnait autour de lui était aussi en lui.
Il s'arrêta là, au milieu de nulle part. On eût dit une statue car rien ne laissait croire qu'il était vivant.
Et soudain en lui, ce fut une avalanche de visions. Avec la Pierre Bleue, son passé renaissait de ses cendres. C'étaient des visages d'antan, des paroles, des rires, des chants. C'étaient aussi au delà de ce temps, ce long voyage solitaire sur les chemins d'Arda. Il entendait encore le salut des veilleurs de Ceven Galad résonner à ses oreilles : "Aï, Cundo en Cemen Cala !"
Oui, il pouvait se lever et marcher vers l'Ouest, enchâsser la Pierre sur son réceptacle qui l'attendait depuis tant de siècles. Il pouvait se détourner de la folie et de l'incurie des hommes, laisser derrière lui la plainte des mourants, se soustraire aux mille combats qui l'attendaient encore et dont un finirait par lui être fatal.
Il était las de cette interminable lutte contre l'Ennemi, de ces souffrances infligées, de ces âmes torturées. Il pouvait tourner le dos à tout cela.
Les Hommes...les Avani, les Successeurs...n'étaient-ce point à eux maintenant de relever le défi ?
Puis le sifflement du vent se mua en plainte, la Pierre brilla avec un éclat presque insoutenable.
Une voix se fit entendre dans la tourmente :
"Ne m'aimes-tu pas ? Ne m'as-tu point juré fidélité ? Abandonnerais-tu tes Compagnons ? Laisserais-tu ce qui reste des Peuples Libres affronter seul l'Ennemi ? Me condamnerais-tu à un terrible et éternel destin de ténèbres ? "
Alors brandissant la pierre à deux mains au dessus de lui, là, au milieu de nulle part, solitaire et condamné à l'être, il renonça pour la seconde et ultime fois à son passé :
"Je suis le Dirn'Arda et je ne renierai pas le serment qui nous lie. Par amour pour toi, je renonce à ce que je fus et j'accepte d'avancer sur le long chemin qui me mène jusqu'à toi. Cette Pierre est le témoin de mon serment, elle sera nommée "SarVanda", la Pierre du Serment, la Pierre du Dirn'Arda ! "
Alors il baissa les bras, inclina la tête vers le sol blanc, immaculé. La tourmente s'apaisa. Une larme perla sur sa joue. Une larme qui gela instantanément et tomba dans la neige : un cristal pur dans écrin parfait.
De la souffrance pouvait naître la beauté et l'harmonie.
Quand enfin la neige cessa de tomber, les étoiles constellèrent le firmament.
Levant les yeux, l'elfe aspira dans son regard la clarté des astres et reprit son errance.
Dans la neige ne restait qu'un éclat scintillant comme une poussière d'étoile.
"Le Gardien passe, la Lumière demeure" disait une vieille légende...